La gare Saint-Lazare, c’est mon échappée vers la Normandie, ma respiration, mon bol de vert à moi. Je ne suis pas seule: un certain Claude Monet lui aussi se rendait en Normandie par le train et l’a immortalisée. J’avoue d’ailleurs que j’ai un peu de mal à la voir autrement que par ses yeux. C’était un sacré défi, à l’époque des impressionnistes ! Il est le premier à faire ça : peindre une gare. Avec son barda d’artiste qui devait peser une tonne, de l’intérieur, plantant son chevalet au milieu des voyageurs. Vous vous imaginez à sa place? On ne sait pas vraiment comment il s’y est pris, ni même si c’est de la légende, mais le fils de son ami Renoir, Jean, raconte qu’il est parvenu à faire retarder un train pour avoir la bonne lumière, et même qu’ « on arrêta les trains, qu’on évacua les quais, qu’on bourra les locomotives de charbon pour faire cracher la fumée qui convenait à Monet » ! On se moquait de lui à l’époque, les critiques, le public, presque tous, sauf le chef de gare apparemment. Moi, je l’imagine, dans la gare, sous la haute verrière, essayer de capturer la fumée qui s’envole. Certains critiques conservateurs se paient sa tête, oubliant qu’il a un illustre prédécesseur : le peintre anglais Turner. Monet, lui, poursuit son chemin : ce n’est pas la toute première fois qu’il peint des trains, et son intérêt pour la modernité ne va pas s’envoler à la première pichenette d’un critique. Alors, Monet, Saint-Lazare, quand j’y pense, c’est un peu une bouffée d’héroïsme, en plus de la porte ouverte sur les collines normandes. Merci, l’artiste !
Emmanuelle Amiot
Pour en savoir plus: http://www.marmottan.com/francais/collections-musee/claude-monet.asp